La chair humaine. Cette odeur avait empli mes narines. La faim. Cette émotion avait empli mon esprit. Et ces deux sensations vinrent se mêler en mon cerveau, pour ne laisser place qu’à une idée. Le lapin que je tiens entre mes pattes n’a rien de la viande savoureuse de laquelle les humains sont formés. Ni une, ni deux, mes pattes lâchent le corps inerte du pauvre animal et se plient, afin de s’élancer. Je cours tout droit, vers la source de l’effluve. J’hurle de plaisir.Charles leva la tête en entendant un hurlement lointain. Voilà trois jours qu’il marchait sans relâche, sans repos… Il avait quitté sa terre natale dans le but de rejoindre la capitale, afin d’apprendre le métier de médecin.
Il avait quitté sa famille, ses amis, sa ferme, sa région : son monde. Il était maintenant seul, avec sa besace, seul dans la grande forêt de conifères. La route pavée sur laquelle il avançait inlassablement et péniblement semblait infinie. Il n’avait croisé personne depuis son départ, et les dalles alignés qui formaient le chemin semblaient de plus en plus familières à chaque pas. Les pins qui bordaient la route filtraient la lumière du soleil, si bien que l’obscurité qui entourait le jeune homme n’avait rien d’apaisant. Alors le potentiel médecin n’avait d’autre choix que d’avancer sans discontinuer, son sac à l’épaule, exténué.
Charles avait tout de l’homme charmant : séduisant, généreux, bon et drôle, il était censé se marier à une jeune femme tout aussi belle : Marie. Elle avait des cheveux blonds, longs, des yeux d’un bleu envoûtant, et son sourire faisait rêver plus d’un homme.
Je cours! La bave commence à dégouliner le long de ma mâchoire inférieure, et ma vue se brouille tandis que je sens à nouveau l’odeur captivante. Je veux accélérer en permanence, sans me soucier de mes capacités physiques. Mon poil blond se retrouve complétement couché à cause de la vitesse, et mes griffes dérapent parfois sur des branches glissantes. Je m’arrête de temps à autres afin de m’assurer que je suis dans la bonne direction, puis je reprends ma course, toujours plus promptement. Je courrai.Charles soupira. Il baissa les yeux, mais trop tard pour voir le pavé manquant sur lequel il trébucha. Il était las. Il resta à terre, gisant lamentablement. Une larme roula sur sa joue ; il ne l’essuya pas. Il avait délaissé tout son entourage. Même sa promise… Ses cheveux soyeux, sa peau douce, ses carresses, ses yeux profonds où il était impossible de lire quoi que ce soit, son amour… Tout cela lui manquerait pendant très longtemps, voire pour toujours. Jamais plus il ne la serrerait dans ses bras. Il venait de le réaliser.
Le voyageur abattu se releva péniblement et regarda le ciel à travers les épines. Il était aux alentours de minuit, et il ne l’avait même pas remarqué. Il se dirigea vers le bord de la route, s’assis par terre, adossé à un arbre, et laissa sa tête basculer en arrière. Il fouilla dans son sac et en sortit une lanière de viande séchée. Il porta sa main à sa bouche, mais cette dernière refusa de s’ouvrir. Alors, accablé, il s’allongea, et s’endormit.
Le voilà, juste devant moi. Il dort. Sa chair a l’air tendre. Je savoure encore son fumet, caché dans mon buisson. Ma respiration en devient de plus en plus bruyante.Charles ne savait pas combien de temps se passa entre son coucher et son réveil, toujours est-il qu’il fût ranimé par une respiration se superposant à la sienne. Il se releva en sursaut, mais ne vit rien. Il tendit l’oreille, sans succès. Son imagination lui jouait des tours. Il se rallongea. La nuit était encore noire.
Mes jambes se plient. Je bondis.Une douleur intense traversa Charles. Un poids apparut sur son torse, qui se faisait griffer de toute part. Il était nez à museau avec un loup au pelage blond, qui déchirait son corps de toute part. Il saignait.
Le sang qui s’échappe des entailles de son corps décuple ma faim, et je lui arrache de plus belle des lambeaux de peau.Il ne survivrait plus longtemps. Marie lui apparut alors. Il revit leurs adieux déchirants, au milieu d’un champ d’orge. Elle portait une robe tulipe qui volait au vent, et ses cheveux blonds flottaient dans l’air. Elle l’avait accusé : « Tu nous abandonnes ! », et il avait répondu qu'il reviendrait. Alors ils s’étaient enlacés et Marie s’était mis à sangloter.
Je mords son cou.Et lorsqu’il était parti, elle l’avait regardé le plus longtemps possible, et Charles l’avait entendu sangloter.
Je griffe son visage.Charles mourut, avec pour seul témoin la pleine lune scintillante. L’aube se leva, éclairant le festin du loup. Un cri retentit à travers les collines couvertes de forêt : « NON ! »
Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je l’ai suivi… Pour… le tuer !C’est ainsi que moururent deux êtres, dans un bain de sang et de larmes, deux êtres épris d’amour l’un pour l’autre. Ils s’éteignirent, seuls, enlacés, sur le bord d’une route pavée.
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Valaaaaa! Donc, je suis ouvert à toutes les critiques, et je cherche encore un titre, si quelqu'un pouvait m'aider
En relisant mon texte, je me suis rendu compte que ca pouvait être un cas de figure du Loup-Garou xD J'ai pas fait exprès! Vous savez, le cas où ya un couple traître, et que les loups "forcent" le dernier à tuer son amoureux
Merci d'avoir pris le temps de lire en tout cas